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Bruxelles, cité européenne, véritable pot-pourri de civilisations a bien des histoires, petites ou grandes, à raconter au curieux.

Jacques De Cerisy plonge dans le passé chaotique de cette ville, retrouve les visages disparus de ceux qui ont fait son Histoire et rapporte leurs gestes effacés par le temps.

Sous des dehors parfois tristes, la cité cache de l’exotisme et de l’extraordinaire. Presque partout surgissent les souvenirs, souvent indirects, la ville a tellement changé. Mais qu’à cela ne tienne, la mémoire est là. Les lieux ont disparu mais les endroits demeurent, cela suffit pour raconter cet autrefois…

« …c’était au temps où Bruxelles… »



lundi 14 novembre 2011

Un dauphin de France à Bruxelles, dernière partie

La cour de Bruxelles
                             
Au mois de juillet de la même année, promise depuis six ans au dauphin, Charlotte de Savoie arrive à Namur.  La jeune fille a quinze ans.  A l’occasion de cette réception, on célèbre une grande cérémonie religieuse. 

Et le 13 décembre 1458, malgré leurs différents, Louis annonce à son père la grossesse de Charlotte : «  Grâce à Dieu, je puis vous le signifier, ainsi que je le dois, comme chose sûre, car elle a senti plusieurs fois bouger son enfant, ce dont vous serez bien joyeux.  Et qu’il vous vous plaise m’avoir et me tenir toujours en votre en votre bonne grâce et me mander vos bons plaisirs pour que je les puisse accomplir. » .

En juillet 1459, la dauphine accouche d’un fils au château de Genappe.  Le dauphin s’empresse de l’écrire au roi.  «  Mon très-redouté seigneur, il a plu à notre béni Créateur et à la glorieuse Vierge sa mère de délivrer aujourd’hui ma femme d’un beau fils, dont je loue mon béni Créateur, et le remercie très-humblement de ce que, par sa clémence, il lui a plu si bénignement me visiter, et me donner connaissance de ses grâces et bontés infinies.  Laquelle chose je vous signifie en toute humilité, afin de toujours vous donner de mes nouvelles et encore plus quand elles sont bonnes et joyeuses, comme raison est, et comme j’y suis tenu. ». 

Dans une lettre, le roi félicite le dauphin. 

A Bruxelles, le duc fait éclater un bien plus grand enthousiasme à l’annonce de l’heureux événement.  Pour la bonne nouvelle, l’envoyé du dauphin reçoit mille écus d’or.  Partout, on chante des Te Deum.  Des feux de joie sont allumé.  Le dauphin a choisi pour parrains du nouveau-né, Philippe et le sire de Croy.  Madame de Ravenstein aura l’honneur d’être marraine.  On baptise l’enfant, que l’on nomme Joachim, dans l’église de Genappe.  Dans cette petite église, jadis, avait été baptisé Godefroid de Bouillon.  Un heureux présage pour la croisade projetée ?  Dignes de la cour de Bourgogne, les présents offerts  à cette occasion sont magnifiques. 
Malheureusement, quatre mois plus tard, l’enfant va mourir.  On l’inhumera dans l’église de Halle.  A Bruxelles, le duc fera faire ses obsèques.

L’hospitalité généreuse accordée au dauphin brouille sérieusement Philippe avec le roi de France.  Pour reprocher au duc sa conduite, Charles VII lui envoie, à plusieurs reprises, des ambassades.  La guerre menace entre les deux hommes.  De part et d’autre, des troupes renforcent les frontières.   

Fin décembre 1459, une ambassade, envoyée par Charles VII  arrive à Bruxelles.  La délégation conduite par l’évêque de Coutance sollicite une audience publique au duc.  Philippe accorde la demande des Français.  Patient, pendant plus de deux heures, il écoute le discours de l’ambassadeur.  L’évêque dit au duc le mécontentement du roi de France à son égard.  Selon Charles VII, Philippe, par ruse, avait attiré à lui le dauphin.   Il le détenait en ses pays contre le gré et la volonté du roi.  Lui, évêque de Coutance  était chargé par le roi de France d’exhorter formellement le dauphin à rentrer dans son devoir.

Dans la grande salle du palais, celle où plus tard Charles-Quint abdiquera, l’évêque d’Arras répond pour le dauphin.  Il ne montre pas moins d’éloquence que l’ambassadeur de France.  Il s’étend d’abord longuement sur les louanges du roi, sur ses conquêtes.  Ensuite, il parle de la tendresse du prince pour son père.  Après avoir rapporté tous les exemples d’obéissance donnés par le dauphin, l’évêque d’Arras revient aux motifs de crainte qui peuvent le retenir en Bourgogne.  Enfin, il finit par prier Dieu que le roi ait compassion de son fils et qu’il veuille bien le laisser en repos dans l’honorable réception où il se trouve, en l’hôtel de son oncle.  Le discours de l’évêque d’Arras terminé, Philippe se lève.  A son tour, il prend la parole.  Devant tous, d’une voix claire et forte, le duc de Bourgogne contre-attaque.  Il réfute les accusations de l’évêque de Coutance :
 « Il semble, de la façon dont on parle, que j’aurais séduit et attiré monsieur le dauphin dans mes états ; mais il est notoire que la chose n’est pas ainsi.  Monsieur Louis est venu chercher ici sa sûreté, à cause de la crainte qu’il a du roi son père.  C’est pour l’honneur du roi que je l’ai reçu et soutenu de mes biens ».  Le duc ajoute que le dauphin est libre de rester dans ses pays tant qu’il lui plaira et lorsque monseigneur Louis  voudra  retourner chez son père,  il le fera accompagner par son fils, le comte de Charolais ou par lui-même. 

Charles VII
                               

Loin des soucis de son bel oncle, le dauphin séjourne tantôt à Genappe, tantôt à Bruxelles où sa présence à la cour crée des dissensions.  Le 21 mai 1461, une fille lui naît au château de Genappe.  Cette enfant reçoit le nom d’Anne.  Plus tard, Anne épousera le seigneur de Beaujeu, sera régente de France et tutrice de son frère, le futur Charles VIII.  

Philippe dont les facultés commencent à s’affaiblir, loin de s’apercevoir des manoeuvres de son hôte, continue à lui montrer la plus grande déférence.  Son fils Charles en fait souvent les frais.
Ce jour-là, dans la forêt de Soignes, Louis de France et Charles de Bourgogne chassent.  La fougue qu’ils mettent à courir le gibier les sépare du groupe.  Ils s’égarent chacun de leur côté. Complètement perdu, Louis avance au hasard dans la forêt.  Quand le soir arrive, Charles retrouve le palais.  Le dauphin n’est pas encore rentré.  Dans la cour, à peine met-il pied à terre qu’il monte voir son père.  Lorsque le duc voit son fils venir à lui, seul, il lui demande des nouvelles du dauphin.  Charles n’en a aucunes,  Il s’est lui-même égaré pendant la chasse.  A ces paroles, Philippe se fâche et entre, une fois de plus, dans une colère contre son fils.  Le duc lui ordonne de retrouver au plus vite le dauphin.  Il lui défend de reparaître devant lui avant de l’avoir retrouvé.  Bousculé de la sorte, le comte remonte à cheval et retourne dans la forêt.  Son père le fait accompagner par des gens à cheval portant des torches.  Tout ce monde, sans succès, bat la forêt, crie, appelle.  Inutilement, la lumière des torches éclaire les arbres, les sentiers, les chemins.  Toute une partie de la nuit se passe, de cette manière, en vaines recherches.  Inconscient des alarmes provoquées chez les Bourguignons par sa disparition, le dauphin reparaît tout à coup.  Son errance l’avait conduit jusqu’à huit lieues de Bruxelles.  Un paysan, auquel il avait donné une pièce d’or, l’avait remis sur le bon chemin.  Soulagé, le duc donna à cet homme une belle récompense.

Louis XI
                               

La mort de Charles VII en 1461, rappela le dauphin en France.

A la tête d’une armée, Philippe le Bon conduisit Louis à Reims.  Il eut l’honneur de lui placer la couronne sur le front. 

Le bel oncle espérait que les services rendus à son neveu, avaient établi, entre les deux branches de la maison de France, des liens d’amitié durable.  Le réveil fut brutal.  Le duc de Bourgogne s’aperçut bien vite, qu’il n’avait fait que changer d’ennemi.  Louis, qu’il avait si généreusement accueilli n’avait jamais eu qu’un seul but : Sa ruine !

 
la cour brûlée

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