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Bruxelles, cité européenne, véritable pot-pourri de civilisations a bien des histoires, petites ou grandes, à raconter au curieux.

Jacques De Cerisy plonge dans le passé chaotique de cette ville, retrouve les visages disparus de ceux qui ont fait son Histoire et rapporte leurs gestes effacés par le temps.

Sous des dehors parfois tristes, la cité cache de l’exotisme et de l’extraordinaire. Presque partout surgissent les souvenirs, souvent indirects, la ville a tellement changé. Mais qu’à cela ne tienne, la mémoire est là. Les lieux ont disparu mais les endroits demeurent, cela suffit pour raconter cet autrefois…

« …c’était au temps où Bruxelles… »



mardi 21 février 2012

Marie de Médicis et Gaston d'Orléans à Bruxelles, 2e partie


Les préparatifs de guerre du duc de Lorraine, Charles IV, inquiétait Richelieu. Il se mit en campagne contre lui. Charles IV appela son beau-fils à son secours. Avec ses troupes, Gaston devait faire diversion en France. Le duc d’Orléans quitta donc Bruxelles le 18 mai 1632, pour rejoindre son armée.

« l’infante ne se contenta pas d’avoir si bien fait l’honneur de sa maison pendant quatre mois ; elle voulut continuer à Monsieur et aux siens les effets de sa générosité et de sa magnificence jusqu’à son départ » dit la chronique qui ajoute :
«  Il n’y eut prince, seigneur, ni aucun officier principal qui ne reçut son présent, ou de pierreries ou de chaînes d’or, avec la médaille du roi d’Espagne. Elle eut soin de faire compter plusieurs coffres d’habits de guerre, linges et autres hardes pour l’usage de Monsieur, et lui fit compter, par son pagador, 100.000 patagons pour les frais de son voyage. Ainsi Monsieur se sépara avec beaucoup de satisfaction et de ressentiment des faveurs et bons traitements de cette princesse, après avoir pris congé de la reine sa mère, et reçu de toutes deux les souhaits d’un heureux voyage. Il fallut dire adieu à Doña Bianca, fille de Don Carlos Colonia, qui était une suivante de l’Infante de laquelle Monsieur s’était déclaré galant, pour s’assurer que sa passion ne le quitterait point, encore qu’il fut contraint de se séparer d’elle. Les autres filles du palais eurent aussi chacune leur galant français, de qui elles recevaient tous les jours les soins, mais c’était à l’espagnole, ne se voyant que par une jalousie fort haute, d’où il était très difficile de se faire entendre, et il n’y avait qu’aux jours d’audience qu’il était permis aux cavaliers d’entretenir leurs dames à la vue de l’infante et de toute la cour. »
Le palais et l’entourage d’Isabelle offraient tout le caractère d’une cour espagnole, on y parlait la langue, et on retrouvait toutes les traditions graves et religieuses puisées dans les souvenirs de l’Escurial. Comme à la cour de Madrid, les hommes se trouvaient rigoureusement séparés de l’habitation des femmes. L’atmosphère du palais sous les archiducs ressemblait à celle de l’un de ces anciens monastères de la Castille.


De Bruxelles, le duc d’Orléans se rendit d’abord à Trèves, où les troupes étaient réunies. il entra en France. Après une campagne militaire désastreuse et la défaite de Castelnaudary, le duc d’Orléans chercha, une seconde fois, refuge à Bruxelles. Il y arriva le 21 novembre. L’archiduchesse le reçut avec les plus grands témoignages d’affection. il fut logé au premier étage du palais, dans l’appartement de l’archiduc, décédé en 1621. Il reçut une pension mensuelle de 30.000 florins. Gaston ne trouva pas sa mère à Bruxelles. Sous prétexte d’indisposition, Marie était partie peu de jours avant pour Malines. La reine-mère ne désirait pas voir son fils, mécontente de sa conduite en France. Gaston lui rendit cependant visite à Malines. Ses tentatives pour la faire revenir à Bruxelles demeurèrent vaines. Elle persistait à vouloir se retirer à Gand. De retour à Bruxelles, dans le tourbillon des fêtes et des plaisirs, Gaston recommença à comploter contre son frère et Richelieu.

La seconde retraite de Gaston en Flandre donnait des sujets de craintes à Richelieu. L’héritier présomptif de la couronne était aux mains de l’ennemi et s’était engagé à servir sous son étendard. Comment lui faire la guerre au nom d’un roi dont la moitié de la France attendait la mort tous les six mois ?

Gaston cherchait à prouver aux Espagnols qu’il n’était pas aussi lâche que l’avait laissé croire l’affaire de Castelnaudary. Malgré les conseils de l’Infante, il voulu suivre l’armée espagnole qui s’avançait au secours de la ville de Rhinberg, assiégée par les Hollandais. Les Espagnols arrivèrent trop tard. La ville était tombée. Sans avoir pu montrer son courage, Gaston retourna à Bruxelles. Instable, il envoya l’un de ses proches au cardinal de Richelieu, pour tenter une réconciliation. Cette démarche maladroite ne servit qu’à éveiller les soupçons de la reine-mère, elle craignait qu’on ne fit un traité sans elle. Marie revint au plus vite à Bruxelles pour surveiller toutes les actions de son fils et peut-être même dans l’espoir secret de profiter de l’accommodement qui pourrait se faire.

En août 1633, finalement lassé des agissements de Charles IV, Louis XIII entra avec son armée en Lorraine. Lorsqu’il eut la confirmation du mariage de son frère, il voulut se saisir de son épouse, Marguerite de Lorraine. Celle-ci, déguisée en homme, visage barbouillé de suie, grande perruque noire sur la tête, s’échappa de Nancy. Elle traversa dans cet accoutrement les lignes françaises. En sûreté à Thionville, place forte espagnole, elle quitta son déguisement. Gaston, instruit de son arrivée, vint au devant d’elle à Namur. Le lendemain, ils partirent tous deux pour Bruxelles. Le 6 septembre 1633, l’infante se porta à leur rencontre, à une demi lieue de Bruxelles. Une haie d’honneur composée de bourgeois en armes les escorta. Le lendemain il y eut fête à la cour ; on y dansa au son des castagnettes et des guitares
Cette évasion réussie excita au plus haut point la colère du roi et de son ministre.


Implacable, Richelieu poursuivait toujours Marie avec le même acharnement. Le cardinal aimait mieux voir Marie à Bruxelles qu’à Paris. Il redoutait toujours de se trouver en présence de son ancienne bienfaitrice, ou de laisser réveiller en Louis un sentiment filial pour sa mère.
Tout cela n’empêchait pas les négociations entre Marie, Gaston et le cardinal. Toujours sans succès par ailleurs, chacun jouait ses propres cartes.
Sans cesse, Marie redoublait ses demandes d’autorisation de rentrer en France. Mais, la découverte de complots pour assassiner Richelieu vint fort à propos fournir un motif pour ne pas la laisser revenir.

Un gentilhomme champenois, Alpheston, avait été condamné à être rompu vif pour avoir tenter d’assassiner le cardinal. Deux soldats partis avec lui de Bruxelles l’avaient dénoncé. Un autre, Chavagnac, fut accusé d’avoir essayer d’empoisonner Richelieu au moyen d’une lettre ; un prêtre d’avoir voulu le faire mourir par des imprécations magiques prononcées au cours d’une messe. Tous furent exécutés. Mais ce qui importait davantage au cardinal, tous accusèrent le père Chanteloube et l’intendant de Marie, La Roche, de les avoir recrutés. Les deux intimes de Marie, furent condamnés par contumace à périr sur la roue et par la même occasion, Du Fargy, autre proche de Marie, fut condamné à être tiré par quatre chevaux et être écartelé vif pour crime de lèse-majesté. Richelieu persuada le roi qu’il ne pouvait y avoir réconciliation avec la reine-mère sans qu’elle ne se justifie des accusations portées contre elle et qu’elle ne livre les responsables des attentats. Bien que mère de Gaston, elle ne lui ressemblait pas sur ce point, elle n’abandonnait pas ses gens à Richelieu. Le retour de Marie dépendait de ces conditions, ce qui le rendait évidemment impossible.

Bien que son séjour soit agréable, Gaston, de son côté commençait à s’ennuyer, la France lui manquait. Au commencement de l’année suivante, Richelieu, voyant que ces négociations n’aboutissaient à aucun résultat, pressa l’annulation du mariage de Gaston.
La mort de l’archiduchesse Isabelle, arrivée le 1er décembre 1633, enleva à Gaston sa protectrice la plus dévouée et la plus sincère. Le marquis d’Aytona la remplaça provisoirement. Ni Marie, ni Gaston, ne se croyaient aussi assurés de sa bienveillance. Il est vrai que par leurs intrigues continuelles, l’un et l’autre fatiguaient de plus en plus leurs protecteurs espagnols. Marie était dominée par le père Chanteloube, Gaston, par son favori Puylaurens. Ces deux hommes se haïssaient. Tous les moyens leurs étaient bons pour faire éclater leur haine. Il y eut plusieurs duels entre les gentilshommes des deux camps. Le marquis d’Aytona en était arrivé à dire que les gens de la reine-mère et ceux de Monsieur lui causaient plus de soucis qu’il n’en avait à gouverner tous les sujets du roi. Dès lors la mère et le fils étaient mal ensemble. Pour s’éloigner de la cour, Marie prétexta une maladie. Elle quitta Bruxelles pour Gand.


Le décès de l’Infante faisait désirer plus que jamais à Gaston une réconciliation avec son frère. Les négociations entre Gaston et Richelieu recommencèrent. Il y avait lieu de croire que cette fois, on ne tarderait pas à s’entendre. Malheureusement, le 3 mai 1634, un événement imprévu vint rompre brusquement les pourparlers.
Entre huit et neuf du matin, Puylaurens, montait le grand escalier du palais. Un homme, auquel il n’avait prêté attention, lui tira un coup de mousquet et s’enfuit sans qu’on pût l’arrêter. Le tireur abandonnait son manteau et son arme recouverte de taffetas noir. Mais heureusement pour le favori, la charge trop réduite de poudre ne fut pas assez puissante pour chasser avec force les balles. On retrouva dans la cour, par la suite, vingt-cinq petites balles d’étain. Puylaurens n’eût qu’une légère blessure à la joue ; ses cheveux avaient amorti la décharge. Deux gentilshommes, qui l’accompagnaient, furent également blessés.
Gaston était alors dans son cabinet. Il jouait aux cartes avec le duc d’Elbeuf et Vieux-Pont. Au bruit, il courut l’épée à la main. Il croisa Puylaurens qui lui raconta ce qui venait d’arriver. Gaston fit aussitôt avertir le marquis d’Aytona. Il demanda justice contre le coupable. Le marquis assura hautement que ce crime ne resterait pas impuni, il y allait de l’honneur du roi et de ses ministres. Pour toute enquête, le marquis se borna à faire exposer, pendant trois jours, sur la grand’place, aux portes de l’hôtel de ville, le manteau de l’assassin et à faire arrêter deux pauvres soldats qu’on relâcha peu après. Le manteau ne fut pas reconnu et fut retiré. D’Aytona abandonna les recherches. Pour lui, l’affaire était claire : un règlement de compte entre Français.

Comme il arrive ordinairement dans ces sortes d’affaires, tout le monde fut accusé de ce crime. Les Espagnols, Paris, la princesse de Phalsbourg, ancienne maîtresse de Puylaurens et un ancien conseiller de Gaston, furent tour à tour accusés. Mais pour Gaston et Puylaurens, le père Chanteloube, conseiller de la reine-mère, était l’instigateur de crime. Ils appelèrent cette tentative d’assassinat la chanteloubade et accusèrent de complicité Marie. Celle-ci protesta, comme elle l’avait fait contre les accusations du cardinal et par le passé contre celles de l’assassinat de son mari. Elle ne gardait, disait-elle, pas d’assassins dans sa maison. Cette brouille ouverte entre le fils et la mère rendait encore plus pénible leur séjour à Bruxelles. Chacun de son côté négociait de plus en plus le retour en France. Exigeant toujours la remise des présumés coupables comme conditions au retour de Marie, Richelieu se montrait plus coulant avec Gaston. Mais celui-ci, capricieux, inconséquent et menteur, n’arrivait pas à se décider.
A suivre…

Louis XIII et Richelieu


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