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Bruxelles, cité européenne, véritable pot-pourri de civilisations a bien des histoires, petites ou grandes, à raconter au curieux.

Jacques De Cerisy plonge dans le passé chaotique de cette ville, retrouve les visages disparus de ceux qui ont fait son Histoire et rapporte leurs gestes effacés par le temps.

Sous des dehors parfois tristes, la cité cache de l’exotisme et de l’extraordinaire. Presque partout surgissent les souvenirs, souvent indirects, la ville a tellement changé. Mais qu’à cela ne tienne, la mémoire est là. Les lieux ont disparu mais les endroits demeurent, cela suffit pour raconter cet autrefois…

« …c’était au temps où Bruxelles… »



dimanche 1 avril 2012

André Vésale, 1ere partie

Michelet écrivait : « …L’homme et son organisme, dont Vésale est le Christophe Colomb...Un Héros que Vésale.  Il enseigna à Padoue, il imprima à Bâle…Le corps humain qu’on enterrait sans le comprendre pendant tant de siècles, éclata dans la science par la description de Vésale et les planches de Titien… »

André Vésale

Bruxelles, à la fin décembre 1514, près du palais de justice actuel, dans une riche habitation de la ruelle d’Enfer,  l’un des plus prestigieux Bruxellois pousse ses premiers cris ; il s’appelle André Vésale.  
Depuis plusieurs générations, sa famille pratique la médecine : son père est pharmacien de la gouvernante des Pays-Bas, Madame Marguerite. 
Destiné par ses parents à l’exercice de la médecine, le goût de l’enfant se porte naturellement vers l’anatomie et il se fait sentir de très bonne heure.  Selon Caron, le jeune Vésale se plaisait à disséquer différentes espèces d’animaux : rats, taupes, chiens.

Ancienne ruelle d'Enfer

Le temps passe…

Le jeune Vésale vient d’atteindre sa vingtième année, et déjà son savoir est prodigieux.  Il possède le latin, le grec et l’arabe à la perfection ; l’anatomie l’attire toujours autant. 
Après avoir terminé ses études à Louvain, il passe quelques temps à l’école de Montpellier.  Rabelais et Nostradamus l’y ont précédé.  L’anatomie était à Montpellier l’objet d’une étude toute spéciale.  L’école avait obtenue l’autorisation de disséquer une fois par an, le cadavre d’un supplicié.  Malgré la renommée de l’école, Vésale s’aperçoit bientôt que Paris pourrait encore mieux satisfaire son désir de savoir.  Il quitte Montpellier en 1532, il a dix-huit ans.   A Paris, Vésale s’établit sur les bancs de Gonthier d’Andernach, médecin de François 1er.  Le roi de France qui a créé le collège de France, vient d’y attribuer la chaire d’anatomie à son médecin.  Gonthier, Vésale le connaît bien, il était professeur à Louvain.  Devant cette chaire, les élèves sont nombreux, parmi eux, se distingue un autre jeune homme, Michel Servet, lequel pour ses travaux et ses idées, finira sur le bûcher. 

 « J’ai eu dans mes travaux deux auxiliaires, savoir : André Vésale…l’autre est Michel Villanovanus (Servet), mon aide ordinaire… »

Gonthier d'Andernach

Vésale montre rapidement à tous une remarquable ardeur dans l’étude de l’anatomie.  Les leçons finies, avec les condisciples qui veulent bien le suivre, il retourne à l’amphithéâtre.  Là, il répète devant ces passionnés, l’enseignement du jour.  Le génie inspire.  Le Bruxellois ira loin.
Vésale devient pourvoyeur de cadavres pour l’école de Paris.  Rien n’est plus téméraire que de chercher un cadavre pour les cours d’anatomie.  Au cimetière des Innocents, on enlève des corps dangereux, ceux morts de maladies.  Les épidémies sont fréquentes à l’époque.  Montfaucon vaut mieux.  Mais ce sont les pendus du roi.  Les descendre d’un si important gibet - une véritable galerie à pendaison - souvent sous l’oeil des archers, est plus que risqué.  Le cachot ou pire encore attend l’intrépide qui se fait prendre.  Et puis il y a les parents, qui veillent souvent leurs morts, le peuple aussi, mêlant haines, terreurs et contes de corps ouverts vivants par les médecins.  Contes pas tout à fait faux par ailleurs.  Vésale, un jour, disséquant un cadavre, aura une désagréable surprise.  L’anatomiste, devant ses élèves, après avoir enfoncé son scalpel dans la poitrine inerte du corps étendu sur la table, verra  brusquement le sujet se réveiller en poussant un grand cri.  Celui qu’il avait pris pour un mort n’était qu’un léthargique !  Bien entendu, ce genre d’événement ne passe pas inaperçu.

Montfaucon

De Paris, Vésale retourne à Louvain où il occupe la place de prosecteur (aide-anatomiste) et de démonstrateur public d’anatomie.  Là, dans l’ancienne capitale des ducs de Brabant, incorrigible – il a pris goût, le bougre - il ira subtiliser, non sans quelques difficultés, le squelette d’un pendu qu’il présentera à ses collègues comme un souvenir rapporté de Paris.  Il est toujours bon d’être prudent dans ce genre d’affaire.  Bientôt il partira pour l’Italie.  il s’en ira pour un autre laboratoire, meilleur encore : l’armée de Charles-Quint. 1538-1539, l’armée décimée, détruite, les corps ne manquèrent pas à Vésale. 

Louvain

Terre de conflits, terre privilégiée aussi, l’Italie vers laquelle se dirigeaient non seulement les armées, mais aussi les poètes et les savants, les artistes et les penseurs.  L’étude de la médecine, de l’anatomie y régnaient en toute  splendeur.  Protégés par des lois et des tolérances, qui remontaient au début du XIIIe siècle, les savants scrutaient la nature humaine sur l’homme même.  Le grand Galien, médecin de l’empereur romain Marc-Aurèle, pratiquait quant à lui sur des singes. 
Pendant onze siècles, les opinions de ce médecin de Pergame régnèrent sur l’enseignement de la médecine.  On ne chercha plus à progresser ou même à vérifier les travaux  du maître Galien  « affirmer d’après la parole du maître » déclarait-on souverainement. 

Ce fut en 1213, que la célèbre école de Salerne reprit à cœur les travaux anatomiques.  L’on se résolut d’étudier non plus les animaux comme le maître, mais cette fois-ci, le corps humain.  L’enseignement se fit dès lors sur un plan général et les corps enseignants prirent le nom d’universités.
Chaque ville voulut l’emporter sur ses voisines par la beauté de ses universités et la célébrité de ses professeurs.  Les amphithéâtres s’élevaient de toutes parts.  Ils regorgeaient d’élèves avides de connaissances.  L’université de Padoue surtout était renommée dans le monde entier.  Là, professèrent l’anatomie, Jean-Baptiste Lombard, François Litigatus, André Vésale, Jean-Paul Guiducius, Gabriel Fallopio, Pierre Maynard, Mathieu Realdo Colombo, Jérôme Vails et Antoine Montidocia. 

On doit à Benoît Alexandre de Legnano, médecin en chef des armées vénitiennes à l’époque du roi de France Charles VIII, la première institution d’un théâtre anatomique et les premières notions d’anatomie pathologique.  Cependant tout cela ne va pas très loin, on se contente d’ouvrir les corps et de montrer les principaux organes.  Cette science était encore si peu avancée, que l’on traitait avec des drogues et des sirops les contusions et les luxations.  Et devant l’inexplicable, les médecins avaient un moyen sûr et facile de se tirer d’affaire, ils invoquaient, selon le cas, la puissance divine ou le miracle.

Après la bataille, le chirurgien aux armées

Les découvertes, à mesure qu’elles étaient faites, étaient ajoutées sous forme d’un commentaire à l’ouvrage du Bolonais Mondino, texte de référence unique pendant trois siècles.  Avec Berengario de Carpi, professeur à Bologne, la révolution est en marche.  Il recommandait à ses élèves de ne pas se contenter des assertions des autres, mais d’observer par eux-mêmes.  Il disséqua ainsi des centaines de cadavres, audace sans exemple en dehors de l’Italie. 

Une seule pensée hante ces écoles ; une recherche parallèle à celle du mouvement des cieux : l’étude du mouvement intérieur de l’homme.  Cent ans durant, on poursuivra ce mystère.  L’observation de la gravitation de la vie et la circulation du sang va enthousiasmer l’époque.    

On savait déjà que les artères étaient pleines de sang et non d’air.  Le cœur était reconnu comme le centre et la cause du mouvement artériel et du pouls.
Dès le commencement du siècle, on discuta la question de la saignée.  Où vaut-il mieux saigner ?  Au mal, ou loin du mal, pour en distraire le sang et l’attirer ailleurs ?  Cela conduisit à chercher comment circule le sang.  A Padoue, Acquapendente décrira les valvules qui, baissées, relevées tour à tour, admettent et ferment la circulation.  Mais l’avis d’une majorité de scientifiques est tout autre.  A leurs voix s’ajoute même celle de Vésale.  Malgré les preuves, les descriptions et les publications, ces doctrinaires continuent à nier l’existence de ces portes.  On ne se dégage pas aussi facilement de Galien et de la sacro-sainte tradition d’affirmer d’après la parole du maître.

Comme on vient de le voir, au milieu de cette brillante compagnie, Vésale, qui enseigne déjà, a encore de la peine à se séparer du médecin de Pergame.  Son génie suspendu à sa jeunesse hésite encore à s’envoler et de dire autrement que le « prince des médecins ».  Sur la circulation sanguine, il partage encore la plupart des erreurs qui ont cours dans les écoles.  Il n’ose pas encore se mettre en désaccord avec Galien.  Il se déclare « embarrassé pour dire quel rôle exacte le cœur joue dans ce phénomène ».

A suivre...



1 commentaire:

  1. http://www.annamedia.org/#!bruxelles-2/c1nsy Bonne lecture, un sujet qui devrait vous intéresser. Episode 2.

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