Ami lecteur, amie lectrice, qui que tu sois, sois le/la bienvenu(e).


Bruxelles, cité européenne, véritable pot-pourri de civilisations a bien des histoires, petites ou grandes, à raconter au curieux.

Jacques De Cerisy plonge dans le passé chaotique de cette ville, retrouve les visages disparus de ceux qui ont fait son Histoire et rapporte leurs gestes effacés par le temps.

Sous des dehors parfois tristes, la cité cache de l’exotisme et de l’extraordinaire. Presque partout surgissent les souvenirs, souvent indirects, la ville a tellement changé. Mais qu’à cela ne tienne, la mémoire est là. Les lieux ont disparu mais les endroits demeurent, cela suffit pour raconter cet autrefois…

« …c’était au temps où Bruxelles… »



mercredi 25 avril 2012

André Vésale 3



Vésale a disparu du théâtre de la science.  Par dépit, il a, dit-on, brûlé des œuvres encore inédites.  Il est maintenant attaché en tant que médecin à la cour d’Espagne.  Revenu à Bruxelles, il ne laisse malheureusement aucune trace de ce séjour.  Après l’abdication de Charles-Quint, il suit son successeur Philippe II à Madrid.
Jeté au milieu d’une cour triste et remplie de préjugés, il sera loin d’y vivre heureux malgré toute la considération dont il sera entouré.

Tout un tas de légendes ont été débitées sur les années espagnoles de Vésale. On a écrit que Vésale vint dans ce pays en qualité de premier médecin de l’empereur Charles-Quint et que Philippe II le conserva dans cet emploi.  Cela ne paraît pas certain.  Dans aucuns de ses écrits, Vésale ne se qualifie de ce titre.  Si cela était, il aurait suivi Charles-Quint au monastère de Yuste, à la place du docteur Matisio, qui resta pendant deux années auprès de l’empereur et l’assista au moment de sa mort.

On raconte encore que Vésale aurait guéri le fils de Philippe II, Don Carlos, d’une blessure désespérée.  Or voici la véritable histoire, écrite par le médecin Dionisio Daza, ami de Vésale : En descendant un escalier obscur et délabré, l’infant fit une chute.  Au cours de celle-ci, ce prince heurta violemment de la tête une porte fermée.  Le premier pansement fut fait par Daza lui-même, par la suite le docteur Portuguez le traita.  Peu de temps après, on réunit pour les consulter neuf professeurs, tant médecins que chirurgiens.  Quant à Vésale, pour des raisons inconnues, il n’intervint qu’après la levée des pansements, soit onze jour après l’accident.  Il émit alors l’opinion qu’on devait ouvrir le crâne de Don Carlos, le mal étant d’après lui à l’intérieur.  L’avis ne fut pas suivi. Dans les opérations qui eurent lieu pendant les trois mois de la maladie du prince (ventouses, saignées, pansements), rien ne fut fait par Vésale.  Quelques-uns firent même appel à une sorte de charlatan à la mode du moment, ce qui ne donna naturellement aucuns résultats.  Contrairement à la légende, Vésale n’a donc jamais trépané Don Carlos.

Madrid
 
Une autre histoire que l’on colporte encore à propos de Vésale est que l’inquisition le condamna à mort pour avoir ouvert un gentilhomme qu’il avait traité pendant sa maladie.  Dans cette opération, les assistants auraient remarqué que le cœur du gentilhomme battait encore.  Mais sous la protection de Philippe II la peine fut commuée en un voyage expiatoire à Jérusalem.  Aucunes pièces officielles, aucuns témoignages, n’attestent l’authenticité de cette histoire.  Le premier qui répandit ce récit en Europe du nord, fut le publiciste Hubert Languet, suivit par Boerhaave et Albinus, tous protestants convaincus – on peut comprendre leur motivation - qui placèrent cette fable dans la préface de la réédition des œuvres de l’anatomiste.


Le dernier voyage

Swertius écrit que par ce voyage, Vésale voulait se soustraire à l’humeur tracassière de son épouse.  Jean Mentel, dit qu’il fut poussé par l’espoir de s’enrichir.  Ces deux-là ne nous paraissent pas sérieux.  Le plus grand nombre se limitent à déclarer qu’il quitta l’Espagne pour accomplir un voeu religieux.  Il est fort possible que ce voyage ne fut qu’un prétexte pour s’éloigner de la cour de Madrid.  Charles Delécluse parle d’une espèce de maladie de langueur dans laquelle Vésale était tombé. 
En lisant attentivement les derniers écrits de l’anatomiste, on remarque que cette maladie n’était autre chose que le découragement et la tristesse qui l’avaient saisi au milieu de la cour de Philippe II.  Il jouissait pourtant de la considération du roi d’Espagne, était comblé d’éloges par les médecins espagnols, Vésale se rendait bien compte qu’il n’était qu’un faire valoir, un simple ornement de la couronne ; il ne servait pratiquement à rien.  Le savant anatomiste, si précis dans ses dissections était, il faut l’avouer un piètre praticien, lent et irrésolu quand il s’agissait d’opérer lui-même sur le vivant.  Par ailleurs, il se racontait, parmi les médecins espagnols, que pendant qu’il servait dans les armées de Charles-Quint, il s’en remettait presque constamment au chirurgien Castillan qui servait avec lui. 

Depuis son arrivée en Espagne, l’impulsion qu’il avait donnée à l’anatomie s’était considérablement accrue en Italie.  La science avançait sans lui.  Fallopia, son ancien élève, venait de publier ses Observations anatomiques.  Tout en exposant ses propres découvertes, Fallopia y signalait avec le plus grand respect les erreurs et les omissions de son célèbre maître.  Cet ouvrage rappela à Vésale des souvenirs à la fois agréables et pénibles.  Il le reporta à cette époque pleine de gloire où l’Italie entière venait applaudir à ses succès.  Quelle différence maintenant ! Une cour triste et sombre, des tracasseries, aucun moyen de se tenir au courant d’une science qui sans cesse progressait, à cela s’ajoutait le chagrin de se voir dépasser et remis en question par ses élèves.  Combien il eût désiré pouvoir reprendre ses études.  « J’espère, dit-il en terminant son examen des observations critiques de son élève, si quelque jour je trouve l’occasion qui me manque entièrement ici où je n’ai même pas pu me procurer un crâne, j’espère repasser la structure d’un homme en entier, et revoir tout mon livre. ».  La mort de Fallopia, jeta définitivement l’amertume dans l’esprit de Vésale.  Dès ce moment-là, son désir de retourner en Italie, ce foyer actif du génie, se réveilla plus que jamais en lui.    

Zante

Sous un prétexte quelconque, Vésale quitta Madrid et se rendit à Venise.  Profitant d’une occasion que lui offrit Malatesta de Rimini, il s’embarqua pour l’île de Chypre, dernière étape avant la Terre Sainte.  Arrivé à Jérusalem, il reçut du sénat vénitien l’offre de la chaire d’anatomie devenue vacante depuis la mort de Fallopia.  On se doute avec quel empressement il accepta l’offre.  Il devait immédiatement retourner en Italie. Dans ce pays, plus favorablement placé qu’en Espagne, et âgé de cinquante ans seulement, il pourrait de nouveau se livrer à la science, à sa science, l’anatomie !  Il quitta Jérusalem et s’embarqua pour Venise.  Malheureusement poussé par des vents contraires, le vaisseau qui le portait fit naufrage au milieu d’une horrible tempête, sur les côtes de l’île grecque de Zakinthos ( Zante).  Ce drame arriva le 2 octobre 1564.  Dénué de tous secours, en proie à la maladie, Vésale y mourut misérablement.  Un orfèvre, qui le reconnut, lui fit donner la sépulture dans une chapelle dédiée à la Vierge, et y plaça cette inscription :

ANDREAE VESALII BRUXELLENSIS TUMULUS
QUI OBIIT IDIBUS OCTOBRIS
ANNO 1564
AETATIS VERO SUAE QUINQUAGESIMO
QUUM HIEROSOLIMIS REDIISSET


La sépulture du père de l’anatomie moderne disparut au cours d’un tremblement de terre.

Emplacement de la demeure de Vésale

Vésale avait épousé au retour de son premier voyage en Italie, Anne Van Hamme, fille d’un conseiller de la chambre des comptes à Bruxelles.  De ce mariage, naquit une fille, prénommée également Anne qui épousa plus tard un certain Jean Mol, grand fauconnier du roi d’Espagne.  Sa veuve se remaria rapidement.  La dote était belle.  Jean Mol resté veuf vendit la maison de l’anatomiste et ses dépendances à la ville de Bruxelles qui l’offrit au comte de Mansfeld en guise de dédommagement.  Au XVIIIe siècle, des religieux capucins occupèrent la demeure aujourd’hui disparue.    

«  Un grand et bel héritage, maisons, galeries, écuries et autres édifices, jardins entourés de murs et autres dépendances, communément appelé la maison de Vésale « t’huys van Vesalius » situé au-dessus du Banendal, dans la rue dite Hellestraete (rue d’enfer) » 

 
Détail

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire