Ami lecteur, amie lectrice, qui que tu sois, sois le/la bienvenu(e).


Bruxelles, cité européenne, véritable pot-pourri de civilisations a bien des histoires, petites ou grandes, à raconter au curieux.

Jacques De Cerisy plonge dans le passé chaotique de cette ville, retrouve les visages disparus de ceux qui ont fait son Histoire et rapporte leurs gestes effacés par le temps.

Sous des dehors parfois tristes, la cité cache de l’exotisme et de l’extraordinaire. Presque partout surgissent les souvenirs, souvent indirects, la ville a tellement changé. Mais qu’à cela ne tienne, la mémoire est là. Les lieux ont disparu mais les endroits demeurent, cela suffit pour raconter cet autrefois…

« …c’était au temps où Bruxelles… »



jeudi 19 avril 2012

André Vésale 2


1537, Vésale se retrouve lecteur en chirurgie à l’université de Padoue.  Etonnés par ses connaissances approfondies en anatomie, les autorités lui octroient la même année le diplôme de docteur en médecine et la chaire d’anatomie.  Désormais, il peut enseigner son savoir.  Avec ses étudiants, le jeune homme - il a vingt-deux ans - étudie la structure des veines, démontre, entre autre, que le point de côté se guérit en saignant la veine cubitale droite.  Aussi, pour aider ses étudiants, il reproduit sur papier, des schémas anatomiques.  En 1538, ses dessins sont publiés en six grands tableaux anatomiques (Tabulae anatomicae sex). 


Cette première publication excita, dans toute l’Europe, l’admiration comme s’il eût révélé un nouveau monde.  Ce succès, cependant, occasionna à Vésale quelques désagréments, ses belles planches furent largement copiées et plagiées sans qu’il puisse s’y opposer. 

Vésale, toujours attaché au dogme, commençait toutefois à douter.  Ses études, ses dissections démontraient de plus en plus les erreurs de Galien.  Jusqu’à présent, par respect pour la doctrine trop universellement acceptée, il n’avait pas osé compléter ses démonstrations.  Enfin, il osa.  Il réfuta les erreurs de Galien.  Après des années de travaux, il publia en 1543 - il avait vingt-huit ans - l’oeuvre, qui devait changer radicalement l’étude de l’anatomie humaine -  Humani corporis fabrica, sept livres, formant un grand in-folio de 824 pages - Vésale reçut dès ce jour, le nom de fondateur de l’anatomie moderne.

Mais cette œuvre si remarquable ne fut que très probablement qu’une œuvre collective, en quelques sorte le résumé de toutes ces années de travaux communs de l’école de Paris et de l’université de Padoue.
Ainsi, la démonstration anatomique de l’imperforation de la cloison qui sépare le ventricule gauche du ventricule droit, à laquelle Vésale donne l’autorité de son nom, on la doit en réalité à Béranger de Carpi.
 
Vésale ajouta beaucoup aux travaux de Galien, il les corrigea et repris en plusieurs endroits.  Mais, relativement à la circulation pulmonaire, Vésale n’avait presque rien ajouté à ce qu’avait dit l’illustre maître.
Mais un tel volume, si considérable et si brillant, sur l’anatomie ne peut, malgré tout, ni manquer d’erreurs ni manquer d’être incomplet. 
Son remplaçant dans la chaire d’anatomie de Padoue, Realdo Colombo, de Crémone, à qui l’on doit la découverte de la circulation pulmonaire, qui est le réformateur de la physiologie comme Vésale est le réformateur de l’anatomie descriptive, est autrement plus osé.  Il va plus loin encore.  Pourtant, il attribue encore beaucoup à Galien et à Vésale.

« tout en vénérant Galien comme un dieu, écrit-il, tout en attribuant beaucoup à Vésale dans l’art de la dissection toutes les fois qu’ils sont d’accord avec la nature, lorsque les choses en sont autrement qu’ils ne les ont décrites, la vérité, à laquelle je suis encore plus fortement attaché, me force de me séparer d’eux… en fait d’anatomie, je ne fais pas tant de cas de Galien et de Vésale que de la vérité ; pour moi la vérité est là où la description s’accorde avec la nature… »

On a accusé Colombo d’irrévérence, d’orgueil injustifiable envers Vésale.  Mais il faut l’écouter dans son épître dédicatoire de son livre « Re anatomica » : « lorsque, après de longs jours consacrés à la dissection de corps humains, je songeai à décrire ce que j’avais observé touchant l’anatomie, je savais qu’il ne manquerait pas de gens qui mépriseraient mes efforts comme étant inutiles et vains, et qui s’opposent sans cesse, avec grand fracas, à ceux qui veulent mettre à jour des choses nouvelles, leur Avicenne, prince, selon eux, de toutes les écoles ; Mundini, Carpi, anatomistes qui n’auraient rien laissé digne d’être ajouté à leurs travaux.  On peut en dire autant de Galien et de Vésale, après lesquels il serait orgueilleux et ambitieux de vouloir écrire sur l’anatomie du corps humain.  Néanmoins, aucun de ces esprits chagrins n’a pu me détourner d’écrire…Relativement à Vésale, je dirai tout d’abord avoir toujours parlé avec lui avec honneur, soit au foyer domestique, soit au dehors, et avoir recommandé ses écrits que tous les savants doivent avoir entre les mains….Il est de l’essence de cette noble, utile, mais difficile anatomie, que tout ce qui la concerne ne peut être embrassé par un seul homme ; et le volume si considérable et si remarquable de Vésale sur l’anatomie ne peut manquer d’erreurs.  La science ne parvient à la perfection que par les additions successives des travaux des hommes… » 

Realdo Colombo

Jalousies diverses, orgueils, crétinisme, opportunisme, honnêteté aussi, une véritable bataille rangée se livre entre tous ces savants.  Cherchant la vérité, Colombo n’hésite pas à contredire les maîtres lorsque ceux-ci se trompent. C’est très mal vu.

Vésale avait acquit assez de gloire pour en abandonner quelques bribes à l’anatomiste de Crémone.  Eh bien ! Non !  La discorde inspirée par la jalousie s’était mise entre eux.  C’est avec bonheur que l’on voit Vésale dans la première édition de « Humani corporis fabrica » en 1543, reconnaître Colombo pour son ami, son familier, et le proclamer professeur très studieux au collège de Padoue.  C’est avec déception qu’on le surprend effaçant dans la seconde édition, celle de 1555, cet hommage rendu à celui qui l’avait aidé dans ses travaux.  Cette déception augmente encore lorsqu’on constate que Vésale n’a pas craint de dire que c’était de lui que Colombo avait appris les lettres et l’anatomie.  En vérité, Vésale ne fut pour rien dans les démonstrations de Colombo.  Que du contraire, Colombo, professeur émérite, enseigna la circulation pulmonaire malgré Aristote, malgré Galien, malgré Vésale lui-même.  L’ouvrage « Re anatomica » selon certains est considéré bien supérieur à celui de Vésale.  A la différence de la « Fabrica » richement illustrée, le traité de Colombo ne contient pas d’images, et ses 269 pages se lisent avec beaucoup d’intérêt.


Les travaux et les publications de Vésale provoquèrent de vives et nombreuses polémiques.  De tous côtés, Vésale fut attaqué.  Parmi les anciens, Sylvius l’un des maîtres de Vésale à Paris, galéniste convaincu,  est tellement outré de voir Vésale attaquer le grand Galien, qu’il se fâcha tout à fait avec lui, après qu’il eut refusé de rétracter ses critiques contre le « maître ».  Pour les progressistes, son ouvrage « Humani corporis fabrica » n’était qu’une nouvelle édition, revue, corrigée et beaucoup amendée des écrits de Galien, Vésale n’allait pas assez loin.

La carrière universitaire de Vésale fut brève, six années seulement, de 1537 à 1543.  Mais en en six années, il aura modifié radicalement l’anatomie et la conception même du livre médical.  Les polémiques engendrées par ses travaux le conduiront à abandonner la recherche et l’université.  Il retournera à Bruxelles et entrera au service de Charles-Quint, pour lui, cette page est déjà tournée.  Il est devenu  un notable maintenant, une célébrité.

A suivre…


Maison de Vésale à Bruxelles










































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